Note adressée à Bercy sur le financement participatif / CIF et IOBSP

Note adressée à Bercy sur le financement participatif / CIF et IOBSP

La volonté des autorités de permettre le développement du financement participatif est aujourd’hui claire.

Par l’ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 et le décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 sont nés les acteurs que sont les Conseils en Investissement Participatif (CIP) et les Intermédiaires en Financement Participatif (IFP).

Les premiers sont placés sous l’autorité de l’AMF et les seconds, sous celle de l’ACPR.

 

La prestation qu’ils ont mission de réaliser vient à l’évidence compléter un schéma du financement des entreprises qui comprend déjà un grand nombre d’acteurs.

Parmi ceux-ci sont les Conseils en Investissements Financiers (CIF) et les Intermédiaires en Opérations de Banque et Services de Paiement (IOBSP).

Ces acteurs ont la particularité de pouvoir être à la fois, des conseils d’un client final investisseur ou d’un demandeur de capitaux.

Rappelons que les CIF sont de plein droit des conseillers sur Valeurs Mobilières et que, de nombreuses décisions de justice ou des régulateurs[1] ont maintenant considéré que du conseil avec ou sans intermédiation de parts sociales, relevait bien des contraintes CIF.

Les CIF agissent également depuis la Loi TEPA, comme des intermédiaires courants ou les conseils de toutes les solutions dites « d’investissement ISF PME ».

Sans aucune contestation possible, dans le cadre de leurs missions au bénéfice des entreprises, CIFs et IOBSPs représentent plusieurs milliards d’euros de cessions ou d’apports aux entreprises.

Si nous extrapolons sur la base de nos seuls chiffres, ce que l’ensemble des professionnels doivent représenter, il n’est pas impossible de pouvoir parler de 10 milliards (pour les seuls investissements directs ou des fonds d’Equity IR/ISF).

 

Les professionnels du financement participatif représentent eux, en France, environ 296,8 millions d’euros en 2015[2].

 

Nous savons que la Commission Européenne s’interroge actuellement sur la bonne manière de réglementer et d’organiser le financement participatif. Elle a d’ailleurs interrogé son groupe d’experts, dont nous sommes, en février 2016.

Si on en croit la note qui accompagnait le questionnaire, le « Crowdfunding » aurait permis de lever en Europe 2,6 Milliards d’Euros sur deux ans (2013 et 2014).

Nous notons une volonté affichée de la Commission d’envisager le Crowdfunding comme devant permettre des investissements et des levées en « cross boarding ».

Nous croyons comprendre que la prestation de conseil « personnalisé » relatif aux titres est, dans les pays qui s’organisent, plutôt à la charge de professionnels hors les plateformes.

Ces éléments rappelés, il apparait évident que si les autorités souhaitent amplifier le financement des entreprises par la voie du Financement Participatif, il va être nécessaire de permettre à ces acteurs d’échanger et de collaborer dans un cadre pratique, avec les autres acteurs du même financement.

Le relèvement des plafonds d’investissements annoncés dernièrement et la création des « mini bonds » que pourront intermédier les CIP sont globalement une bonne chose. Cependant, nous aurions préféré une réforme simple et claire du régime des bonds de caisses, et non la création du nouveau support « mini bond »[3].

Cependant, cette volonté va amener vers les plateformes, encore plus clairement qu’avant, des opérations du type de celles que traitaient les PSI, les banques, les CIF et les IOBSP.

 

A l’évidence, le sujet est de moins en moins le financement des quelques premiers milliers d’euros, ce que confirme d’ailleurs la récente note de la Commission Européenne.[4]

Dans ces conditions, négliger la forme de la relation entre les acteurs et considérer que les acteurs du Financement Participatif doivent rester dans une bulle désintermédiée, sans échange avec les autres est, d’une part un frein au développement des plateformes et au bon financement des TPE/PME qui cherchent actuellement, elles, des solutions non bancaires et d’autre part, est à deux doigts de créer une forme de concurrence que certains pourraient percevoir comme déloyale vis-à-vis d’autres acteurs.

Cet état de fait nous semble d’autant plus incongru qu’il provient pour partie de ce qu’il est quasiment impossible aux plateformes de collaborer avec les autres, alors que paradoxalement, il y a une demande de part et d’autre.

 

Cette situation, certes assumée mais délicate pour tous les acteurs, est donc, en l’état, pleinement imputable aux autorités ou tout au moins au législateur, que nous appelons à nous entendre.

 

 

La difficulté légale

 

Légalement, la principale difficulté vient de l’idée selon laquelle la plateforme de financement participatif est, en droit français, s’il est CIP ou IFP, un acteur de la sphère internet qui ne saurait disposer de « distributeurs »[5].

 

Le moyen légal actuel, qui permet de contourner la difficulté consiste en ce que les plateformes deviennent des PSI ou des établissements de crédits/banques ou bien encore, que la plateforme soit filialisée par un acteur CIF ou IOBSP de grande taille.

Ces solutions « industrielles » ne sont pas compatibles avec l’état actuel du marché, ni avec l’esprit du texte initial, confirmé depuis, puisque les plateformes CIP et IFP sont restées dérogatoires des statuts les plus lourds.

 

 

Cependant, nous savons qu’aujourd’hui des accords se nouent entre des plateformes et des « CGP » qui ne sont autres en droit, que des CIF/IOBSP.

De manière très logique, ces derniers vont souvent donner un conseil portant sur le titre ou l’entreprise.

Or nous savons que ni l’AMF, ni l’ACPR n’ont une lecture favorable de ces accords.

Tout juste avons-nous entendu que l’AMF serait ouverte à l’idée de reconnaitre la possibilité d’un « apport d’affaire » (notion qui pour nous, était jusqu’à présent bannie de la finance réglementée) d’un CIF vers une plateforme CIP, à la condition que le CIF ne fasse aucun conseil sur le titre (ce qui est pourtant son métier).

 

Il n’en va pas de même à l’ACPR, qui rejette l’idée d’accepter une telle option et nous a précisé qu’en l’absence d’un texte clair, elle n’accepterait pas de reconnaitre des accords entre IOBSP et IFP.

 

Nous sommes donc face à une situation assez proche de celle que nous avons connue à l’époque de la mise en place des offres dites « TEPA », pour lesquelles aucun schéma légal de distribution et de rémunération par commission, des professionnels, n’avait été envisagé.

C’est par la création, suite à notre action qui trouva un accueil favorable et un relai dans les équipes de l’AMF, que nous devons la naissance des « conventions de commercialisation[6] du service de placement des titres » d’un PSI vers un CIF.

Ces conventions ont permis de contourner la difficulté de l’époque et d’assurer une relativement bonne distribution des titres TEPA / ISF.

Encore faut-il noter que la mécanique veut que le CIF réalise son conseil avant de proposer ledit service et donc in fine, l’accès aux titres, pour lesquels le PSI a réalisé toutes ses diligences.

Point d’apport d’affaire donc, mais une vraie relation entre professionnels responsables, au service de l’investisseur et de l’entreprise en demande.

 

 

Notre proposition

 

En l’état et après avoir échangé avec nos membres, nombre de plateformes de financement participatif, l’AMF, l’ACPR, plusieurs députés de différents partis et comme nous nous y étions engagés publiquement le 15 décembre 2015, nous proposons et demandons que soit urgemment :

 

Pour les CIP :

Ajouter à l’article L.547-1 CMF la phrase :

« ils peuvent régulièrement collaborer avec un Conseil en Investissement Financier, aussi bien en vue de permettre une bonne analyse des entreprises à financer que pour assurer la commercialisation des services proposés par la plateforme ».

 

Remarque :

Il conviendrait de ne pas omettre de traiter la problématique de la rémunération par les plateformes :

« Au titre de cette collaboration, le CIP peut verser au conseiller en investissements financiers une rémunération ne faisant pas obstacle à l’obligation d’agir au mieux dans l’intérêt du client conformément à l’article 325-37 du Règlement général de l’AMF ».

 

 

 

Ajouté dans le RGAMF la mention suivante :

« Dans le cas où le CIF proposerait d’investir dans une entreprise via une plateforme de financement participatif, il doit préalablement réaliser sa mission de conseil en investissement financier et doit veiller à la bonne adéquation de l’investissement au regard de la situation du client ».

 

Pour les IFP :

Ajouté à l’article L.548-2 CMF la phrase :

« ils peuvent régulièrement collaborer avec un Intermédiaire en Opérations de Banques et Services de Paiement, aussi bien en vue de permettre le financement de l’entreprise qui le demande que pour assurer la bonne adéquation du prêt consenti, au regard de la situation du prêteur[7] ».

 

Produire une recommandation ACPR qui indique les conditions d’une relation acceptable par l’autorité, discutée entre les associations ou syndicats d’IOBSP et d’IFP.

 

[1] Entre autres mais notablement, Cour d’appel de Paris n°14/15108 du 8 janvier 2016 ; Cour d’appel de Versailles n°14/08403 du 24 novembre 2015 ou même par certains aspects la décision de la Commission des sanctions de l’AMF à l’égard de M.A du 6 octobre 2015.

[2] Source FPF

[3] Cf note de l’ANACOFI relative à l’intégration des Bons de Caisse dans le cadre réglementaire du Financement Participatif / Aout 2015

[4] Cf note to the expert group for the 4th meeting of the European Crowdfunding Stakeholder Forum : niveau moyen Equity de 260 K€ et de 11 K€ pour le prêt.

[5] Position de l’ACPR relative au placement non garanti et au financement participatif du 30 septembre 2014 ;

Position AMF : placement non garanti et financement participatif DOC-2014-10 : ne prévoit aucune possibilité pour les plateformes de conclure des conventions avec des distributeurs comme il est prévu dans la position de l’AMF n° 2012-08 placement et commercialisation d’instruments financiers :

Le PSI peut demander à d’autres distributeurs autorisés à fournir le service de réception-transmission d’ordre pour le compte de tiers ou celui de conseil en investissement, de rechercher dans leur clientèle des investisseurs potentiels pour les instruments financiers objets de l’émission ou de la cession.

 

L’article L.547-1 CMF et l’article L.548-2 CMF ne prévoient pas la possibilité de recourir à des distributeurs.

[6] Conventions de Commercialisation : apparues pour TEPA, elles se sont développées, sont la forme classique de la relation PSI/CIF et couvrent tous les produits et services.

[7] S’appuyer au besoin sur le nouveau schéma du Conseil Indépendant – rendu possible en matière de crédit immobilier par l’Ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, qu’il conviendrait d’étendre au crédit « entreprises ».